08/06/2006
Le provençal
Le provençal est une évolution du languedocien relativement récente puisqu'elle date du XVIe siècle. Il s'en différencie principalement, mais pas uniquement, par les consonnes finales muettes (et en particulier le -s du pluriel). Il était parlé dans les départements des Alpes-de-Haute-Provence, des Hautes-Alpes, des Alpes-Maritimes, de l'Ardèche (une zone rhodanienne vers Bourg-Saint-Andéol), des Bouches-du-Rhône, de la Drôme, du Gard, du Var, du Vaucluse et dans les hautes vallées du Piémont italien.
Reconnaissance
Le provençal est vécu par les Provençaux comme un élément de leur héritage. Il jouit d’un certain soutien de la population et des collectivités locales et bénéficie d’un net regain dans la vie publique depuis quelques décennies (publicités, signalisation routière, festivals, théâtre, édifices…).
Il est toutefois spécialement reconnu comme langue menacée par l’UNESCO. En effet, l'action centralisatrice des rois de France (Ordonnance de Villers-Cotterêts du 10 août 1539 instituant notamment le français comme la langue des documents administratifs), puis de la République jacobine l'a d'abord relégué dans les campagnes, puis l'a éliminé comme toutes les autres langues et dialectes régionaux définitivement, par l'enseignement obligatoire du français et l'interdiction de son usage à l'école.
Le provençal demeure cependant une langue de culture possédant son orthographe moderne, fixée au XIXe siècle et illustrée par Frédéric Mistral et ses successeurs, une littérature dynamique et brillante depuis le Moyen Âge, dont la réputation internationale a notamment été couronnée par le prix Nobel de littérature de Frédéric Mistral en 1904. Il existe spécifiquement pour le provençal des grammaires, des dictionnaires, des méthodes d’enseignement, des maisons d’édition et des centres de recherche. Le provençal est enseigné de la maternelle à l’université en France, dans de nombreux cours associatifs et étudie dans de très nombreuses universités étrangères.
Provençal et occitan
Le provençal est parfois décrit comme un dialecte de l'occitan, qui donc regrouperait tous les parlers d'oc du Sud de la France (à l'exclusion parfois du gascon) dans un ensemble homogène. Il convient tout d'abord de rappeler que la distinction entre une langue et un dialecte est uniquement politique : la linguistique est incapable de définir précisément la différence entre les deux concepts. Il faut d'autre part remarquer qu'un puissant courant militant traverse toute l'Occitanie pour faire reconnaître sa culture et ses spécificités par rapport au jacobinisme français.
C'est pourquoi certains groupes provençaux refusent cette assimilation qu'ils estiment purement fonctionnelle et revendiquent une réelle spécificité culturelle. Par exemple Joseph Roumanille et une partie du Félibrige, porteurs d'une “certaine réalité” de la langue provençale, n'ont jamais considéré que le provençal fût, en quoi que ce soit, un sous-groupe de l'occitan.
Pourtant, lorsque Mistral publie son monumental Tresor dóu Felibrige, dictionnaire de la langue d'oc moderne en deux volumes, le terme “provençal” inclut tous les parlers occitans ; en sous-titre du dictionnaire, il est bien précisé : “Dictionnaire provençal-français, embrassant les divers dialectes de la langue d'oc moderne” (noter l'emploi au singulier de langue), soit, comme il est précisé dans la note 1, “tous les mots usités dans le Midi de la France”.
Enfin, chez les linguistes, le terme provençal a pendant longtemps été utilisé pour désigner l'ensemble des parlers de langue d'oc. Aujourd'hui, l'usage scientifique est de désigner l'ensemble par le terme occitan et de restreindre le terme provençal au sous-ensemble des parlers de Provence.
Différences régionales
Il existe de légères différences de proche en proche. Par exemple, pour désigner une mauvaise herbe donnée, les paysans ont souvent à leur disposition deux, trois ou quatre noms différents. Certains noms sont plus usités selon la région, et ainsi, à quelques dizaines de kilomètres de distance, la langue devient sensiblement différente (compte tenu qu'on peut passablement généraliser cet exemple). De plus, il existe de multiples prononciations, variables selon les villages.
Exemples
Mot Traduction Prononciation standard
terre terra terro, terre, terra
ciel cèu cèou
eau aiga aïgo, aïgue, aïga
feu fuòc fio(c), fuè(c)
homme òme omé
femme femna femo, fremo, fema
manger manjar manja
boire beure béouré
grand grand gran
petit pichòt picho
nuit nuech nué, nieu
jour jorn djou, djour
Quelques expressions usuelles :
• Bòna annada, bèn granada e bèn acompanhada (graphie classique), Bouano annado, bèn granado e bèn acoumpagnado (graphie mistralienne). En français : bonne année, bien prospère, et bien accompagnée (de santé).
• Se fai pas lo civier avans d'aver la lèbre (graphie classique), Se fai pas lou civié avans d'avé la lèbre (graphie mistralienne). En français, littéralement : on ne fait pas le civet avant d'avoir le lièvre. En français proverbial : il ne faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué (Jean de La Fontaine, livre 5, fable 20 L'ours et les 2 compagnons).
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